Essais, récits autobiographiques, Livres & Ouvrages

Chronique livre – L’Affaire des Poisons par Jean-Christian Petitfils

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Auteur : Jean-Christian Petitfils
Genre : Essai, historique

Résumé
En 1679, à l’apogée du règne de Louis XIV, éclate l’une des plus vastes affaires criminelles de tous les temps : l’affaire des Poisons. D’un seul coup se révèle l’envers sinistre du décor : les crimes de la Voisin, les sortilèges, les conjurations démoniaques, les messes noires, les sacrifices rituels…Affaire stupéfiante, ténébreuse, touffue, aux ramifications gigantesques, dans laquelle se trouvent mêlées des centaines de personne, dont les plus grands noms de la cour de France, notamment la favorite, Mme de Montespan, à tel point que le roi lui-même, pris d’inquiétude, tente d’étouffer le procès.
De l’officine des alchimistes au repaire des sorcières, des marchands de philtres d’amour aux fabricants de poisons, en passant par le cabinet du magistrat instructeur, La Reynie, c’est l’enquête policière complète sur l’une des plus étranges et irritantes énigmes de l’Histoire qui est ici offerte au lecteur.
Mettant en lumière les moeurs et les mentalités d’une époque qui n’a pas seulement été celle des splendeurs de Versailles et de la culture classique, l’ouvrage de Jean-Christian Petitfils, fruit de longues recherches, présente des découvertes et des explications très convaincantes.

Jean-Christian Petitfils, spécialiste de la France classique, est l’auteur de nombreux ouvrages, dont plusieurs biographies qui ont connu un grand succès : Louis XIII, Louis XIV, Fouquet, Louis XVI (Perrin). Il vient de publier chez le même éditeur L’Assassinat d’Henri IV, mystères d’un crime.

Mon avis

Pour cette nouvelle chronique de livre, je vais vous parler d’une affaire qui a défrayé la chronique en son temps et probablement la plus vaste affaire politico-criminelle de l’Ancien Régime : l’Affaire des Poisons. Une affaire qui semble débuter par un fait divers et un drame familial mais qui va impliquer un grand nombre de personnes de toute couche sociale, y compris des personnes très célèbres, jusqu’au Roi lui-même. Mais au delà de cela, cette affaire est sans doute la plus révélatrice d’une société en pleine contradiction. Mais j’y reviendrai.

Petite information concernant l’auteur, Jean-Christian Petitfils  est historien, écrivain et grand spécialistes de la monarchie française et en particulier de Louis XV et Louis XVI. Il a par ailleurs travaillé sur un volumineux livre sur ce dernier qui, paraît-il, est LA référence sur le dernier roi de France. J’ai commandé cet ouvrage récemment et j’espère pouvoir vous proposer une chronique sur cet ouvrage ultérieurement.

A travers ce livre, Jean-Christian Petitfils nous propose de revenir dans le détail de cette affaire qui débute sur un fait divers familial avant d’éclabousser une grande partie des nobles de la Cour et le Roi lui-même mais qui prend racine dans les bas-fonds de Paris et dans les croyances les plus moyennâgeuses.
En effet, on trouve pêle mêle : messe noire, philtre d’amour, sorcellerie avec tout le folklore qui peut l’accompagner, tables qui tournent etc. Au siècle de Descartes, on croit encore qu’on peut devenir riche en transformant du plomb en or ou qu’on peut ramener un homme infidèle avec des mélanges toutes plus suspectes les unes que les autres ou même à la pierre philosophale.

Portrait de Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud en 1701
Portrait de Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud en 1701

L’énorme intérêt de cet ouvrage est que JCP a richement documenté son ouvrage et qu’il fait preuve d’un travail extrêmement soigné et approfondi pour nous faire prendre conscience des ramifications de cette sordide affaire mais aussi le contraste avec le rayonnement que voulait donner Louis XIV à son règne. Cette affaire marquera le déclin progressif de la monarchie solaire par la fin du règne de la maîtresse du Roi, la marquise de Montespan.

De part la densité des informations de l’ouvrage, il faut souligner que sa lecture peut s’avérer très intense et demande beaucoup de concentration afin de s’y retrouver dans tous les personnages (ayant réellement existé!) de cette affaire. Certains noms restés célèbres sont aisément identifiable (le Roi, Colbert, la Montespan et même la Voisin), d’autres sont moins connus et, pourtant, ont eu chacun leur rôle à jouer dans cette épopée tragique.

 

La marquise de Montespan
Françoise-Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de Montespan

 

D’une manière globale, l’écriture de J-C Petitfils est très soignée, très agréable à lire, n’hésitant pas à emprunter au langage fleuri de l’époque sans tomber dans la vulgarité. On peut donc facilement s’immerger dans cette période particulière de l’Histoire de la France qui est un tournant. Louis XIV est à la l’apogée de sa gloire et pourtant, il sera impliqué dans l’affaire la plus sordide qui soit, ne manquant pas de souligner le contraste éclatant et saisissant entre l’image de Roi-Soleil qu’il veut laisser à la postérité et toutes les injustices criantes et finalement, cette société corsetée et rigide et, en particulier les femmes, tente de trouver un peu de liberté et de souffle. Même si l’Affaire des Poisons est sortie de l’ombre grâce à la ténacité du ministre de la Guerre Louvois et du commandant de la Police, Nicolas de la Reynie, cette affaire n’aurait peut être pas eu cette tournure sous un autre Roi ou à une autre époque. N’oublions pas que la liberté de la presse n’existait pas et que ce que nous en savons proviens de minutes des différents procès et des propres notes de La Reynie. Et n’oublions pas que c’est ce même La Reynie qui a permis la naissance d’une police et d’une justice moderne avec des techniques beaucoup plus proches d’une démarche rationnelle que l’on avait encore quelques années auparavant.

Jean-Christian Petitfils nous livre également sa théorie sur le complot impliquant le Roi et sa maîtresse, la marquise de Montespan qui est vraiment intéressant et nous offre un autre regard sur cette dernière, différent de ce que la postérité a retenu d’elle.

En conclusion, je vous recommande vraiment cet ouvrage qui ouvre une fenêtre passionnante sur une affaire encore mystérieuse et empreinte de magie d’une époque révolue.

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Chronique livre – La bête du Gévaudan : Le loup réhabilité par Hervé Boyac

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Auteur : Hervé Boyac
Genre : Essai, historique

Résumé

En juin 1764, dans le sud du Gévaudan, ce comté devenu depuis le département de la Lozère, une Bête apparaît. Très vite, elle va semer la terreur parmi les habitants de cette région rurale déjà éprouvée par les guerres de religion passées, les hivers rigoureux, les famines et épidémies. Les rescapés des attaques diront sans hésitation qu’il ne s’agit pas d’un simple loup, mais d’un autre animal inconnu ici qu’ils nommeront « La Bête ». Celle-ci s’attaquera prioritairement aux enfants dont la tâche principale consiste à garder le bétail. Tuant avec une audace déconcertante, elle va déjouer tous les pièges, et échapper à toutes les chasses menées contre elle par les plus grands spécialistes en la matière, envoyés par le roi Louis XV en personne.
La Bête est imprévisible, elle accomplit de longs déplacements, elle survit aux coups de feu reçus, bref elle paraît invulnérable. Les paysans désespérés, se rallient d’ailleurs aux propos religieux de l’évêque pensant que la Bête est un démon que seul Dieu pourra détruire.

Enfin après quatre années de ravages, la Bête « tombera » sous les balles d’un paysan nommé Jean Chastel, et les attaques cesseront à jamais. En plus de sa connaissance des lieux, ce dernier avait découvert que la Bête n’était pas un animal ordinaire, et que de surcroît elle n’agissait pas seule mais dépendait d’un appui humain. Pour faire cesser les attaques, il ne suffisait donc pas d’abattre la Bête, il fallait aller plus loin. Après mûre réflexion, c’est ce qu’il fit pour délivrer son pays de tant de souffrances.

Qui a pu imaginer un tel complot et pourquoi ?

Nous sommes à 25 ans de la future Révolution française, et les tensions commencent à être très vives dans les provinces aussi ; de vieux conflits resurgissent. Plusieurs nobles locaux peuvent être tentés de se venger des préjudices que la monarchie, déjà vacillante, leur a causés. La Bête et son lot de meurtres est un moyen, parmi d’autres, pour déstabiliser le royaume comme de nos jours des agitateurs sèment des embûches aux démocraties.
Ainsi à la date du 19 juin 1767, cette machination diabolique qui a perduré 1 000 jours, aura provoqué la mort d’au moins 80 personnes connues, dont 70 enfants, en près de 170 attaques officiellement répertoriées. Depuis lors, en France, le loup est toujours tenu pour responsable de cette odieuse affaire dans laquelle il est pourtant hors de cause. Cet ouvrag a pour but de s’approcher un peu plus de la vérité, en essayant de rendre plausibles les faits qui ont endeuillé cette période déjà lointaine de notre histoire, tout en acquittant le loup sans équivoque.

Mon avis

Passionnée depuis très longtemps par l’histoire véridique de la Bête du Gévaudan, j’ai découvert l’auteur, Hervé Boyac, par le site officiel sur cette étrange affaire et par là, j’ai pu découvrir son ouvrage sur le sujet, ouvrage que je me suis empressée d’achetée. Et je n’ai absolument pas regretté mon achat.
En effet, pour cette réédition qui fut pour moi une première lecture et découverte,  l’ouvrage est extrêmement bien documenté et richement illustré.
Tout d’abord, l’auteur nous présente à la fois le contexte historique de cettte affaire mais aussi le contexte géographique avec une présentation détaillée de la province du Gévaudan, ancienne province du Royaume de France et qui comprend principalement la Haute-loire mais également la Lozère. Cette contextualisation de ces évènements est particulièrement importante pour comprendre qu’au delà de ce qui serait un fait divers tragique, se profile aussi la fin d’une époque (on est à 20ans de la Révolution française) mais aussi deux France qui s’ignorent, la France qui est commence à bouillonner, tant intellectuellement que économiquent, qui change et évolue et cette France profonde, pratiquement encore plongée dans le Moyen-Âge, où on croit encore aux sorcières et autres meneurs de loup et dont la vie est toujours rythmée par les superstitions.

 

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Tout cela permet de mieux s’imaginer le monde dans lequel évoluent les acteurs de cette tragique affaire, qu’ils soient paysans ou nobles.

L’affaire de la Bête du Gévaudan n’est pas la seule affaire impliquant une « bête » puisqu’on en trouve même dans le Lyonnais ou, très récemment dans la Creuse avec la bête de Noth en 1985 ! 
Dans le cas de la Bête du Gévaudan, nous avons les balbutiements de la presse qui relait, notamment avec le Courrier d’Avignon et la Gazette de France, les méfaits de l’animal avec force détails et illustrations les plus sensationnalistes possibles. Or, en dépit des nombreux témoignages, il est quasiment impossible d’établir avec certitude l’espèce animal à laquelle appartiendrait la Bête. Du loup-garou à un hybride (disons-le improbable) d’un singe avec un cochon (oui oui!), les rumeurs les plus folles courent à son sujet. Louis XVI, déjà humilié avec la défaite de la Guerre de Sept ans, ne va quand même pas permettre qu’on se moque de lui, lui le Roy qui aime passionnément la chasse et qui ne peut se défendre face à ce fauve ! Il n’enverra pas moins que le meilleur louvetier du Royaume puis, face à l’échec de ce dernier, son garde-chasse personnel. Sans parler du régiment de Dragons qui va tenter de capturer et tuer cette Bête. Que de monde mobilisé pour tuer un loup qui, soit dit en passant, n’est pas reconnu comme tel par les paysans, habitués pourtant à en voir. La population des loups est pourtant estimée à l’époque d’au moins 10 000 à 20 000 individus en 1789 contre 500 à la fin 2018 !
Toutes les hypothèses abordés dans l’ouvrages sont abordés et chacune sont mises à l’épreuve de la zoologie, des conditions de vie, du contexte historiques et leurs crédibilités à l’aune de connaissances actuelles.

De plus, Hervé Boyac propose également une analyse des victimes, chose assez rare, la nature de la Bête occultant souvent cet aspect, ce que j’ai trouvé intéressant et soulève beaucoup plus l’hypothèse d’une sombre histoire de vengeance qui a prospéré à cause du contexte géographique et historique.

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A la fin de l’ouvrage, il propose même sa propre théorie concernant la Bête du Gévaudan et qui est derrière. Mais je vous laisse le soin de le lire et juger par vous-même. 

En conclusion, cet ouvrage est un indispensable pour tout curieux sur l’affaire du Gévaudan et même simple amateur de fait divers. L’écriture et le style est agréable et la niveau de recherche de l’auteur est très élevé, confirmant qu’on peut dire qu’il a creusé son sujet avec le plus grand sérieux et une non moins grande passion.

Livres & Ouvrages, Romans

Réaction/Roman – Outrage de Maryssa Rachel

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Cet article est un peu particulier car il ne s’agit absolument pas d’une chronique mais d’une réflexion suite au bad-buzz qui a suivi la sortie d’un roman : Outrage par Maryssa Rachel.

Quatrième de couverture du roman

Le roman de l’emprise. Le roman de l’injustice des sentiments. Le roman de l’amour qui s’enfuit.

 » L’amour, le seul, l’unique, celui dont on n’oubliera jamais le nom, porte les stigmates de nos plus terribles douleurs. « 
Rose est une femme libre, indépendante, torturée, traumatisée, elle s’est construit une carapace de survie.

Elle fuit l’amour par peur de l’attachement. Elle est perverse, passionnée, cyclique, addict au sexe et à l’alcool mondain. Mais ce soir-là, dans un bar, elle tombe amoureuse d’un être qui lui ressemble, peut être un peu trop. Tout en lui la repousse et pourtant… Lui, c’est Alex, un artiste paumé, un je-m’en-foutiste tout aussi névrosé qu’elle.

Rose va vivre cette passion destructrice où Alex la guide, la commande, la déconstruit, la fabrique, la façonne… Rose n’écoute pas la bête qui rugit en elle et qui lui dit  » fuis « . Son corps, son sexe deviennent chaque jour plus douloureux, mais elle tient, par amour pour cet homme qui la dévore chaque jour un peu plus…

Puis vient la douleur du déchirement. Alors, elle va essayer de noyer ses maux dans la seule addiction qui lui permet d’échapper à la douleur : le sexe.

Une information importante à connaître est le mot de l’éditeur que je vous copie-colle :

Dans une vie d’éditeur, il est des textes qui vous marquent et vous « signent » pour toujours. Il en fut ainsi d’Histoire d’O de Pauline Réage pour Jean-Jacques Pauvert, de La Mort Propagande d’Hervé Guibert pour Régine Deforges ou de Baise-moi de Virginie Despentes pour Florent Massot…

Pour ma part, il y eut La femme de papier de Françoise Rey, Le Lien de Vanessa Duriès, Dolorosa soror de Florence Dugas et L’Orage de Régine Deforges. Tous ces textes ont été importants car ils ont marqué l’histoire d’une littérature. Ils ont balayé toutes les incertitudes et dessiné d’autres contours. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice, et a contribué à renouveler un genre.

Outrage de Maryssa Rachel est l’un d’entre eux. Il s’inscrit dans la veine de ces textes qui vous remuent jusqu’aux tréfonds de vous-même et y déposent une empreinte qui, tel un tatouage, ne pourra jamais s’effacer. Et longtemps après, le livre refermé, perdurera l’écho de tout ce qu’il a provoqué en vous.

Outrage c’est le livre de la démesure amoureuse et de l’urgence sexuelle pour réparer les dégats de l’emprise. C’est le livre de la perte de contrôle et de l’abandon, du renoncement et de l’instinct de survie. Maryssa Rachel parle à nos sens, à notre animalité, dussions-nous en mourir.

Véritable « coup de boule littéraire », Outrage est destiné à devenir un classique.

Franck Spengler

L’une des polémiques porte sur le fait que le roman n’aborde un bandeau d’avertissement. En effet, le roman, non content de décrire des scènes sexuelles (de façon assez direct, pour le peu que j’en ai lu), aborde des thèmes violents comme l’inceste, la pédophilie, l’urophilie et la zoophilie ! Rien que ça !

Et les critiques pleuvent sur le Net avec des titres de commentaires pour le moins éloquents : « Ignoble! », « DANGEREUX », « Tromperie et immoralité » etc. Bref, Outrage semble vouloir pulvériser la réputation du roman le plus scandaleux possible. Beau coup marketing en effet !

Tout d’abord, au delà du contenu, ceci est très personnel, je suis étonnée qu’on s’étonne ! Certes, le résumé aurait pu faire penser que ce roman était un énième roman de Dark Romance comme il en fleurit un peu de partout, suite au phénomène 50 Shades et vont souvent plus loin. Héroïne souvent kidnappée et séquestrée par un richissime homme d’affaire. Malgré viols et humiliations, l’héroïne tombe amoureux de son geôlier. On use et on abuse du syndrome de Stockholm, dans une grande majorité de cas, sans connaissance réelle de conséquences psychologiques. De plus, sur l’un des plus célèbres sites de publication en ligne, Wattpad pour ne pas le nommer, circulent aussi un certain nombre d’écrits qui traitent de violence sexuelle (viol, inceste et j’en passe) avec une désinvolture proprement révoltante et parfois, qui ne sont même pas mis dans les catégories appropriées. La culture du viol a encore de beaux jours devant elle ! Dans une certaines mesures, il n’est guère surprenant de voir émerger des textes de plus en plus subversifs dans le circuit littéraire classique.

Or, des quelques chapitres déjà parcourus (oui, j’ai acheté le livre pour me faire une opinion), Outrage n’entre absolument pas dans la catégorie « Romance » et son dérivé « Dark Romance ». Et je crois sincèrement l’écrivaine quand celle-ci dit (je cite) :

Je n’écris pas pour faire rêver, ni pour offrir des histoires mielleuses à souhait, je crois que je ne sais pas faire ce genre d’histoires. J’ai du mal à brosser le lecteur dans le sens du poil, je préfère le provoquer, le chambouler, le perturber, le faire réagir… Je ne veux pas être étiquetée auteure érotique, mes écrits ne sont pas masturbatoires…

L’erreur, sans doute voulue inconsciemment pour attirer le chaland, a été tant que par le résumé et tant aussi, peut-être, par la couverture de laisser entendre qu’il s’agissait d’une romance. De plus, lors de l’achat, au vu du contenu, j’ai été quand même été surprise de le voir trôner dans les nouveautés dans le rayon « Romance », renforçant ou pouvant renforcer la confusion avec en outre, l’absence de bandeau ou de message d’avertissement (et aussi d’emballage sous cellophane comme on l’a fait pour un certain nombre de mangas Yaoi et/ou érotico-porno). Alors, des lecteurs et lectrices non avertis pourraient très bien prendre Outrage comme un énième After parmi la pléthore de romans classifiés « New Romance » et avoir la désagréable surprise du contenu à la lecture du roman. Surtout, et sans vouloir spoiler, que les premiers chapitres ne vont pas avec le dos de la cuillière puisque Rose évoque de façon très brutale et très crue les violences sexuelles dont elle a été victime étant enfant par son propre père.

Honnêtement, je ne sais pas si je parviendrais à poursuivre ma lecture, en particulier de par le style d’écriture qui, s’il possède un côté enlevé, donnant l’impression d’un journal de bord où Rose jette littéralement tout ce qui lui passe par la tête avec d’indéniables qualité (rendons à César… car, un livre c’est un tout), ne m’a pas enthousiasmée des masses. Après, évidemment, ce n’est qu’un ressenti au niveau stylistique qui n’engage évidemment que moi.
Sur ce qui est du contenu et des passages qui ont fait polémiques, j’ai lu certaines critiques qui, si je peux parfaitement comprendre le sentiment de révolte, voudraient interdire les romans traitant de ces sujets me hérissent. Le fameux passage est certes, brute de décoffrage mais ne fait pas l’apologie (loin, très loin de là) de l’inceste et/ou de la pédophilie ! Il est vrai que, de vouloir écrire les pensées d’une gamine de 7ans violée par son père est, disons-le, un peu (totalement ?) casse-gueule mais je n’ai pas vu la moindre complaisance dans ce passage. Le fait de traiter de sujets comme le viol, l’inceste,  les pratiques sexuelles extrêmes, l’autodestruction ou même la drogue (qui peut en faire partie de ce roman puisqu’on peut considérer l’héroïne et certains des personnages qui gravitent autours d’elle, finalement drogués au sexe) sans tomber dans le voyeurisme le plus cynique est quelque chose qui n’est pas à la portée de tout le monde, reconnaissons-le. Rappelons-nous ce vieil adage : « La critique est aisée mais l’art est difficile. ». Jamais tel aphorisme ne s’est autant vérifié que depuis la sortie d’Outrage.
Autre remarque qui m’a fait, disons poliment, bondir au plafond a été de lire qu’on faisait une comparaison avec Sade, comparaison des plus falacieuses. Tout d’abord, les écrits du divin Marquis l’ont été dans un contexte politique particulier, la fin de l’Ancien Régime et les débuts de la Révolution française et avec des revendications politiques sous-jacente. Les écrits de Sade, encore moins qu’Outrage, ne sont PAS de la romance, une erreur monumentale et historique extraordinaire. Ils n’ont rien à voir. A travers la sexualité, somme toute débridée, Sade a voulu dénoncer l’hypocrisie de toute une société décadente, notamment avec ses deux héroïnes Justine et Juliette. D’ailleurs, il n’a jamais fait le dixième de ce qu’il raconte dans ses livres. Il a été embastillé pour sodomie (un crime à l’époque) et pour des questions de dettes sur lettre de cachet demandée par sa belle-mère, justice des plus sommaires, si on peut appeler le système de cachet de la justice. Il n’a jamais, au grand jamais, assassiné ou torturé qui que ce soit. Je ne vais pas vous livrer une analyse approfondie (il me faudrait au moins une année pour ça) de ses oeuvres mais Sade a été simplement une sorte d’objecteur de conscience de l’époque. Un conseil, relisez le célèbre passage « Français, encore un effort si vous voulez être républicains » de La philosophie dans le boudoir, certes difficile à aborder tant Sade utilise l’absurde comme argumentaire, mais qui, à sa façon, comme Olympe de Gouge, prône l’égalité homme-femme (qui commence par la sexualité) ou réclame la séparation du politique et du religieux.
Outrage ne s’inscrit absolument pas dans la diatribe de Sade comme le roman ne se veut absolument pas une énième Dark Romance. Je dirai même plutôt que c’est une anti-dark romance tant on sent un gros « fuck » à toute cette prolifération de romans.

En conclusion, l’erreur majeure de ce roman n’est finalement pas le roman en lui-même mais plutôt la stratégie marketing qui a voulu séduire une frange de lecteurs, sans nul doute, mal informés de la teneur réelle du roman. Il s’agit d’un roman difficile à aborder et il faut vraiment lire avec un esprit ouvert et critique.

 

Un article intéressant sur le sujet -> https://www.actualitte.com/article/monde-edition/outrage-roman-d-une-humanite-terrible-dont-l-existence-derange/84382

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Chronique Livre – Les derniers jours des reines

 

Titre : Les derniers jours des reines
Auteurs : collectif
Genre : historique

Résumé

Comment sont mortes les souveraines les plus célèbres de l’Histoire ? Du suicide de Cléopâtre au dramatique accident d’Astrid de Belgique en passant par la décapitation de Marie Stuart et de Marie-Antoinette, l’assassinat d’Agrippine, de Sissi et d’Alexandra de Russie, ou l’agonie édifiante de Catherine de Médicis, Anne d’Autriche, Catherine II, la reine Victoria ou l’impératrice Eugénie, les meilleurs historiens et écrivains d’histoire racontent leurs derniers jours dans des textes incisifs où la limpidité du récit s’appuie sur des enquêtes puisées aux meilleures sources.

Toujours tragiques, souvent brutales, parfois spectaculaires, inattendues ou interminables, leurs fins se ressemblent par une même dignité, une civilité monarchique de l’adieu exaltée par la conscience que ces reines avaient de leur rang, et leur volonté commune d’édifier la postérité après avoir marqué leur temps. Comme si toutes se retrouvaient dans la fière devise de Marie Stuart :  » En ma fin est mon commencement. « 

 » Une fresque du pouvoir suprême au féminin, de l’Antiquité au XXe siècle  » : c’est ainsi que Jean-Christophe Buisson et Jean Sévillia définissent cet ouvrage collectif de prestige qu’ils ont dirigé et qui fera date, autant par ses qualités littéraires que par le regard innovant qu’il porte sur les ultimes instants de ces femmes dont les règnes ont changé le monde à tout jamais.

Mon avis

Puisque je suis dans un moment intense de recommandations de livres, je vous propose un autre ouvrage historique absolument indispensable qui est un très beau cadeau à offrir ou à s’offrir : Les derniers jours des Reines qui est un ouvrage collectif dans lequel dix-neuf historiens (dont Didier Le Fur, Jean-François Solnon, Simone Bertière, Jean-Paul Bled, Jean Tulard, Jean des Cars, Arnaud Teyssier et les codirecteurs du livre) ont brossé le portrait de vingt souveraines à travers la fin de leur vie.

De Cléopâtre à l’impératrice Eugénie en passant par Marie-Antoinette, dernière reine de France et Alexandra Fedorovna, tsarine de Russie, le livre explore la royauté au féminin à travers la fin, parfois tragique, de ces femmes, reines et futures mères de rois et leur rend la place qui est la leur. Dans notre culture et notre tradition républicaines, on reste encore fascinée par la royauté et son incarnation, le meilleur exemple restant bien évidemment Elisabeth II, reine d’Angleterre avec la  presse people qui guette chaque geste, chaque apparition de la souveraine ou de ses proches mais Marie-Antoinette n’est pas en reste, avec tous les livres, expositions, films sur sa vie en forme de tragédie grecque. Petite anecdote, la plupart des visiteurs du château de Versailles ne viennent pas pour admirer le chef d’oeuvre architecturale et les incroyables jardins du château de Louis XIV mais bien pour voir les endroits où vécu Marie-Antoinette, de ses appartements au petit Trianon en passant par le Hameau ou la laiterie, elle est la seule reine de France universellement connue. Moi-même, je l’avoue, j’adore la dernière Reine de France, je suis une vraie Marie-Antoinette-mania.

Chaque histoire, bien que basée sur des recherches rigoureuses, est écrite comme une nouvelle romancée, permettant de s’immerger complètement dans l’intimité de ces femmes de pouvoir. Je n’ai pas lu toutes les biographies mais, globalement, elles sont toutes passionnantes. On comprend que n’est pas reine qui veut, que ce n’est pas juste porter une couronne et monter sur un trône d’or mais c’est véritablement devenir l’incarnation vivante du pouvoir et du pays. A ce titre, j’ai envie de citer Jean Sévillia dans le Figaro qui dit : « La reine d’Angleterre est un des personnages les plus photographiés de la terre, et pourtant on ne peut pas lui appliquer l’étiquette de people. Vous verrez que, lorsqu’elle disparaîtra, ce sera un événement planétaire, et que les plus républicains des Français seront touchés eux aussi. » On ne peut qu’être d’accord puisqu’à l’instar de son illustre ancêtre, la reine Victoria, elle incarne à elle seule non seulement tout le Royaume-Uni et les états du Commonwealth, bien plus qu’un David Cameron, le Premier Ministre britannique, mais aussi tout une époque. Si la reine Victoria est le symbole du XIXeme siècle, la reine Elisabeth sera celui du XXeme siècle.

En conclusion, Les derniers jours des Reines est un très bon livre qui rend hommage à ces femmes qui ont changé la face du monde.

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Chronique livre – Louis II de Bavière & Elisabeth d’Autriche : Âmes soeur Auteur


Titre : Louis II de Bavière & Elisabeth d’Autriche : Âmes soeur
Auteur : Philippe Collas
Genre : Histoire, réflexion

Résumé :

On croit bien connaître la vie du roi Louis II de Bavière et celle de sa cousine Elisabeth, l’impératrice d’Autriche, la légendaire Sissi. Pourtant, aucune histoire n’a jamais été écrite sur leurs destinées parallèles et les croisements de leurs existences respectives. Or comment mieux comprendre la vie de ces deux  » âmes sœurs « , sinon en déchiffrant l’une à travers l’autre ? Névrosés, géniaux, plus grands que la vie, les deux cousins se sont profondément aimés et compris.

Au-delà des clichés, les personnalités de ces souverains hors du commun pourront alors apparaître sous un jour nouveau : révolutionnaires et avant-gardistes, Louis et Elisabeth furent des visionnaires qui posèrent en plein cœur du XIXe siècle les questions cruciales qui allaient déterminer le sanglant XXe siècle. Ils furent aussi l’un et l’autre les victimes de leur lucidité, comme le dévoile la mécanique du complot qui allait aboutir à l’assassinat du roi de Bavière. Philippe Collas propose ainsi une relecture originale du destin et de la personnalité de deux grandes figures historiques du XIXe siècle.

Mon avis

Passionnée par la vie des personnages de Elisabeth d’Autriche, dite Sissi, et par Louis II de Bavière, réputé pour sa folie et ses châteaux baroquo-roccoco fantastiques, c’est avec plaisir que j’ai découvert il y a déjà quelques années, l’ouvrage de Philippe Collas qui fait le parallèle de la vie de ces deux personnalités hors du commun. Souvent réduite soit à une viennoiserie sucée  dans la trilogie des Sissi d’Ernst Marischka, soit en cousin et cousin proches de l’inceste et de la décadence dans l’immense mais méconnu chef d’oeuvre « Le Crépuscule des Dieux » par Visconti, film que je recommande chaudement, on (re)découvre à travers cet ouvrage la vraie Elisabeth, anorexique, dépressive, égocentrique, autodestructrice et le véritable Louis II, jeune roi tourmenté par son homosexualité, tous deux en recherche permanente d’un bonheur impossible dans une société bourgeoise au bord de la destruction.

Ces deux personnages sont d’abord et avant tout le symbole même d’un monde disparu, d’une Europe qui marche à pas feutrés vers la guerre et la destruction, le monde des grands Empires. Mais pas que. Souvent qualifiés de « fous », l’ouvrage nous montre à quel point Sissi et Louis sont incompris, voire vilipendés par leurs contemporains (alors que des études récentes font apparaître que la « folie » présumée de Sissi était tout simplement une dépression profonde, dépression des plus légitimes puisqu’elle a perdu quand même deux enfants, dont Rodolphe qui s’est suicidé et a vu un grand nombre de ses proches morts dans des circonstances dramatiques, comme sa soeur Sophie, brûlée vive dans le bazar de la Charité à Paris, son beau-frère Maximilien, éphémère empreur du Mexique, fusillé etc, doublée d’une anorexie qui, comme les anorexiques d’aujourd’hui, est un moyen de dompter un corps qui lui échappe, et celle de son royal cousin qui souffrait plus de troubles autistiques que d’une folie dans le sens premier du terme. Rappelons-le, l’autisme n’est PAS une maladie mentale mais un trouble du développement tout comme l’homosexualité qui était, alors, malheureusement, considéré comme maladie mentale et souvent passible de prison. Voir Oscar Wilde).

Sissi et Louis II de Bavière ont, chacun à leur manière, pressenti les changements à venir alors qu’ils ont été propulsés très jeunes au sommet du pouvoir (Sissi a épousé François-Joseph à 15ans et Louis est devenu roi de Bavière à 18ans, donc, ce sont deux enfants qui se retrouvent à la tête d’un royaume ou d’un empire.). A travers l’ouvrage, on découvre un peu plus les dessous de l’Histoire, notamment les complots de l’entourage de Louis qui souhaitait s’allier à la Prusse et à son maître Bismark, semant, sans le savoir, les germes qui allaient donner naissance à la montée du nazisme, un demi-siècle plus tard. Evidemment, on ne parler de Louis II de Bavière sans parler de son autre grand amour, celui qu’il éprouva pour le compositeur Richard Wagner, tout comme on ne peut pas décrire ses constructions absolument incroyable, comme le féérique château de Neuschwanstein, Le Château de Herrenchiemsee, réplique grandiose du château de Versailles ou le Château de Linderhof. Concernant Sissi, il est impossible de ne pas parler de son oeuvre qui fut la création de la double monarchie et de son amour pour la Hongrie, alors méprisée du côté autrichien, mais aussi de ses combats personnels pour le très grand poète juif, Heinrich Heine et la reconnaissance des nationalités et de toutes les minorités et des aspirations de ces dernières. Souvent qualifiée « d’impératrice anarchiste », Sissi était surtout en avance sur son temps, une femme moderne par ses aspirations, ses extravagances (par exemple, elle était une adepte d’une vie saine et hygènique par sa pratique du sport) et ses combats.

En conclusion, cet ouvrage est bien écrit et permet vraiment de comprendre pourquoi Louis II de Bavière et Sissi sont absolument indissociables et ne sont pas des images surannées mais bien des personnages de notre temps et auxquels on peut vraiment s’identifier.