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Chronique film – Requiem pour un massacre/Come and see

Scénario : Elem Klimov
Durée : 140 minutes (Interdit en France aux moins de 12 ans)
Année : 1985

Résumé

Biélorussie 1943. Sous les invectives d’un villageois, deux enfants creusent le sable pour récupérer des objets divers enfouis avec les cadavres de soldats. Le plus âgé, Fiora trouve un fusil et revenu à son domicile, malgré l’opposition farouche de sa mère, décide de rejoindre les partisans. Ceux-ci viennent le chercher et en dépit des adieux déchirants de sa maman, il part en la laissant avec ses deux sœurs car son père est sans doute au front.

Arrivé au camp, il découvre son nouveau cadre de vie et est affecté à diverses tâches mais les maquis à peine revenus à leur base doivent repartir et comme il est très jeune on le laisse sur place. Ulcéré d’être ainsi déprécié, il commence à s’enfuir lorsqu’il rencontre une jeune fille, Glacha, avec qui finalement il revient au camp. Lorsqu’ils arrivent, le repaire des partisans est anéanti par un bombardement et des soldats allemands traversent les bois.

Tous les deux retournent donc au village complètement désert où le jeune garçon ne retrouve ni sa mère, ni ses sœurs. Horrifié, il pense comprendre qu’elles ont fui les Allemands. Il s’enfuit sans se retourner en pensant les retrouver cachées au milieu des marais, ce qui permet à Glacha de ne pas lui montrer le charnier qu’il y a derrière une grange. Après une traversée exténuante du marécage, ils retrouvent dans une île des survivants, dont le villageois, très grièvement brûlé, qui leur criait de ne pas creuser le sable ; il leur raconte comment les habitants du village ont été massacrés.

Il part avec trois hommes à la recherche de nourriture. L’ennemi est partout et deux de ses compagnons sautent sur une mine ; cependant Fiora et son camarade volent une vache dans un pré mais l’animal ainsi que celui qui la menait sont abattus par des tirs de mitrailleuses allemandes. Au matin, Fiora découvre une télègue dans un champ qui peut lui servir à transporter le cadavre de l’animal. Mais le propriétaire de la charrette et lui-même rentrent finalement dans un village car un détachement de SS arrive. Le village est encerclé ; tous les habitants sont rassemblés sur la place puis enfermés dans l’église. Fiora arrive à en sortir et assiste aux atrocités qui précèdent le massacre de la population et l’incendie du village. Anéanti, il quitte ce lieu infernal et retrouve sur la route les partisans qui ont attaqué le détachement nazi et capturé des officiers, qui sont exécutés.

Mon avis

Et voici ma tout nouvelle chronique sur un de ces films qui marquent durablement et profondément les esprits tant par sa violence physique et psychologique que son réalisme cru de la guerre, mais pas la guerre faite de héros étincellants, de combats rutilants, de romantisme un peu neuneu mais bien cette guerre de crasse, de sang, de boue, de viol et de violence tout court. Bienvenue dans l’enfer de la Seconde Guerre mondiale sous la caméra de Come and See, connu en français sous le titre de Requiem pour un massacre.

Attention, ce film est profondément perturbant, choc et même choquant.

Quelques petites anecdotes avant de commencer : de vraies balles de mitrailleuses ont sifflé au-dessus de la tête d’Alexeï Kravtchenko et ont réellement tué la vache qui a failli l’écraser. De vrais obus ont été utilisés et, pendant la scène du marécage, le jeune acteur qui avait 15 ans a failli se noyer. Voilà pour vous donner déjà une petite idée de l’ambiance des plus joviales qu’il régnait durant le tournage.

Requiem pour un massacre est d’abord un film sur l’enfance sacrifiée sur l’autel de la guerre. Si, dans le même thème mais dans un autre registre, on retrouve le magnifique et émouvant Tombeau des lucioles, Requiem pour un massacre ne nous épargne rien en matière d’horreur sans pour autant tomber dans le pure voyeurisme abject. On est loin d’un Il faut sauver le soldat Ryan et autres films de guerre manichéens à la vision simpliste et simplifiée. Ce film est d’abord un témoignage, un cri sur une réalité souvent occultée : les massacres des populations slaves par les Einsatzgruppen (commandos spéciaux qui avaient pour « tâches » d’exécuter les populations civiles après les conquêtes de la Wehrmacht pour schématiser) et des poches de civils qui tentaient de survivre et de résister à l’oppresseur.

La mort omniprésente est l’une des grandes thématiques du film mais on est loin des morts héroïques et flamboyantes. On est face à la mort dans toute son absurdité et son horreur. On pense évidemment au massacre dans la grange qui est LE passage clé du film et sans doute l’un des plus éprouvants dans le cinéma de guerre. La cruauté dont font preuve les nazis et même le plaisir évident qu’ils manifestent face à la détresse de ces hommes, femmes, enfants, vieillards qu’ils vont brûler vifs ne peut que susciter la colère, la révolte mais aussi l’impuissance. Le titre Come and See prend alors un tout autre sens. Non seulement viens et regarde mais surtout, regarde sans pouvoir changer quoi que ce soit.

Mais l’autre thème bien évidemment, c’est l’enfance sacrifiée ou comment le jeune héros perd peu à peu ses illusions alors qu’il assiste, impuissant, au massacre gratuit et sadique d’êtres humains sans défense par d’autres êtres humains. La pitié, l’empathie et la compassion n’existent pas puisque vieillards comme enfants ou femmes sont impitoyablement éliminés. Seule la survie compte. La fin est l’apothéose, si j’ose dire, de ce thème. Glacha, la jeune fille, que l’on devine avoir été agressée par les nazis alors qu’elle arrive, hagarde, les jambes en sang. Mais c’est surtout lorsque Fiora est prêt à exécuter les officiers nazis que l’on peut dire que le jeune garçon a dit adieu définitivement à son enfance pour entrer dans le monde cruel et violent des adultes. Alors que le film se termine sur les images d’archives, on peut dire que ce film est un vibrant plaidoyer pour l’enfance, la protection des enfants et les préserver autant que faire ce peut du monde pervers des adultes (pervers pas uniquement dans le sens sexuel, bien évidemment). Et ce pour qu’aucun d’entre eux n’embrasse le destin d’Hitler puisque lui-même fut aussi un enfant.

En conclusion, il y aurait énormément à dire sur ce film tant il est riche, éprouvant mais le mieux est de reprendre le titre originale et de vous dire : Venez et regardez.

3 réflexions au sujet de “Chronique film – Requiem pour un massacre/Come and see”

  1. Je vais chipoter mais le titre original se traduit par « Viens et regarde ». Certaines critiques parlent aussi d’un Apocalypse Now mais sans LSD. Dans tous les cas, on tient là un immense classique du cinéma, hélas trop méconnu

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